Nous nous retrouvons pour un dernier épisode de la série « Frissons aux archives » dans laquelle nous vous racontons des histoires horrifiques inspirées de faits réels, d’enquêtes et légendes qui ont eu lieu à Puteaux. Ce cinquième épisode relate un extrait de l’histoire de la célèbre bande à Bonnot.
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Résumé
Cette histoire raconte un extrait des aventures de Jules Bonnot et sa bande d’anarchistes qui sévit dans Paris et la région entre 1911 et 1912. Le matin du 26 mars 1912, la bande à Bonnot vole une voiture De Dion-Bouton conduite par deux chauffeurs putéoliens dans la forêt de Sénart. Il tue un des mécaniciens et blesse le second qui arrive à s’enfuir pour donner l’alarme à la mairie de Montgeron. S’en suit une course poursuite avec la police à bicyclette. Ils finissent par s’enfuir en montant dans un train en marche. Un mois plus tard, la police encercle la grange où les bandits se cachent. Elle les arrête après un avoir mis le feu au bâtiment à l’aide de dynamite. Plusieurs mois plus tard, on apprend que les bandits se cachaient au nez et à la barbe des forces de l’ordre dans une villa louée par M. Manoury rue de Valmy à Puteaux, sans que personne ne s’en aperçoive. Pendant l’assaut, Jules Bonnot est tué mais certains membres de la bande sont arrêtés et jugés.
Contexte historique
Le mouvement anarchiste
L’anarchisme est une « Doctrine politique qui affirme la possibilité d’abolir l’État et de faire de la société une réunion d’hommes libres, raisonnables et moraux, conforme à un ordre naturel spontané. »[1] Dérivé du mot grec anarchos, qui signifie « sans autorité », cette doctrine politique est portée par l’homme politique socialiste français Pierre-Joseph Proudhon[2]. Le mouvement anarchiste prend des mesures radicales entre 1870 et 1940 dépassant la désobéissance civile avec des attaques terroristes contre de nombreuses personnalités publiques au pouvoir : le roi Umberto Ier d’Italie, l’archiduchesse Elizabeth d’Autriche, le président Sadi Carnot, président américain William McKinley ou encore le premier ministre espagnol Antonio Canovas del Castillo. Cet élan de violence chez les anarchistes est théorisé par Ravachol comme « la propagande par le fait ».
L’illégalisme de la bande à Bonnot
La Bande à Bonnot est à l’origine d’une nouvelle criminalité basée sur le braquage automobile avec des tendances anarchistes qui est connue sous le nom « d’illégalisme ». En effet, ils sont les premiers à utiliser l’automobile dans des opérations criminelles. La pratique avait d’abord été celle de la « reprise individuelle ». « C’est dans cet art difficile que s’était illustré notamment Alexandre Jacob, qui inspira à Maurice Leblanc son héros Arsène Lupin. L’illégalisme aura moins d’élégance : ses adeptes sauront tuer, y compris de simples salariés, employés de banque ou de commerce »[3].
Les membres originaux de la bande à Bonnot se sont d’abord rencontrés dans les bureaux du journal L’anarchie. Callemin, Garnier, Carouy, Valet et Soudy se lient d’amitié. Jules Bonnot est étranger de ce milieu mais s’impose finalement comme le chef de la bande avec qui ils volent des voitures qu’ils recèlent chez Dubois, garagiste à Choisy. La bande se fait connaitre du grand public le 21 décembre 1911 lorsqu’ils attaquent deux employés de la Société générale rue Ordener à Paris. S’en suit une longue liste de braquage à main armée.
L’événement conté dans notre épisode 5 a lieu le 25 mars 1912 : Callemin, Bonnot, Garnier, Valet, Monier et Soudy braquent une succursale de la Société générale à Chantilly après avoir volé une voiture et tué deux personnes à Montgeron.
Bonnot finit par être localisé fin avril alors qu’il est caché chez Jean Dubois à Choisy-le-Roi. La maison est cernée par la police est l’assaut est lancé le 28 avril 1912 sous la direction du préfet de police, Louis Lépine lui-même, sous les yeux de la foule de badauds venus admirer le spectacle. Cet assaut est l’œuvre de plusieurs personnages : le lieutenant Fontan de la garde républicaine qui a posé la dynamite, M. Legrand, le sous-chef de la Sûreté et le commissaire général des Halles, Paul Guichard. Garnier et Valet sont tués selon un schéma similaire le 15 mai suivant. Le reste de la bande arrêté, ils sont jugés pendant 25 jours en février 1913. Metge et Carouy sont condamnés aux travaux forcés à perpétuité tandis que Callemin, Monier et Soudy sont condamnés à mort.
Pour aller plus loin
La médiatisation de la bande
Les exactions de la bande à Bonnot font sensation dans les journaux pour plusieurs raisons. Non seulement, leurs attaques sont violentes mais ils narguent la police. Garnier adresse même au journal Matin, une lettre à destination du public et de la police publiée le 21 mars 1912. Il termine sa lettre en donnant ses empreintes digitales comme un affront pour les forces de l’ordre. La bande à Bonnot est mieux équipée que les forces de l’ordre qui les traquent. La bande n’hésite pas non plus à tuer des membres des forces de l’ordre et le 24 avril 1912, Bonnot tue Louis Jouin, le chef adjoint de la sûreté lors d’une perquisition à Ivry-sur-Seine. De plus, la presse s’insurge face à l’ampleur du siège et contre les méthodes employées par les forces de police. Elle estime notamment que les malfaiteurs auraient pu être capturé vivants.
le mythe de la bande à Bonnot dans la culture populaire
Encore aujourd’hui, la bande à Bonnot résonne dans les mémoires. L’histoire de cette bande de voyous va laisser son empreinte dans la culture française que ce soit dans la musique ou dans le cinéma. Déjà en 1913, l’artiste Jean Béraud peint une huile sur toile représentant l’assaut contre Garnier et Valet intitulé La Nuit de Nogent.
Par la suite, c’est une pièce de théâtre qui reprend l’épopée de la bande. Cette pièce de H.F Rey est mise en scène par Michel de Ré en 1955 et s’accompagne d’une chanson écrite par Boris Vian : « La complainte de Bonnot ». Ainsi, Phillipe Fourastié réalise un film du même nom en 1968 avec Jacques Brel dans le rôle de Raymond la Science. Joe Dassin en fait même le sujet d’un de ses fameux titre « La bande à Bonnot » la même année. Le thème continue de rassembler puisqu’en 2006, Jérôme Cornuau réalise un film Les Brigades du Tigre qui raconte en partie l’histoire de la bande.
Nous espérons que vous aurez apprécié cet épisode et n’hésitez pas à nous suivre sur votre plateforme d’écoute favorite pour de nouvelles aventures !
Sources
Le Petit Parisien, 1er décembre 1911, https://www.retronews.fr/journal/le-petit-parisien/1-decembre-1911/2/79670/1
Le Temps, 26 mars 1912, https://www.retronews.fr/journal/le-temps/26-mars-1912/123/754339/6
Le XIXe siècle, 28 mars 1912, https://www.retronews.fr/journal/le-xixe-siecle/27-mars-1912/29/1911017/1
Le journal des débats politiques, 27 mars 1912, https://www.retronews.fr/journal/journal-des-debats-politiques-et-litteraires/27-mars-1912/134/782997/4
Le Rappel, 28 mars 1912, https://www.retronews.fr/journal/journal-des-debats-politiques-et-litteraires/27-mars-1912/134/782997/4
Le XIXe siècle, 30 avril 1912, https://www.retronews.fr/journal/le-xixe-siecle/30-avril-1912/29/1910897/1
L’intransigeant, 28 septembre 1912, https://www.retronews.fr/journal/l-intransigeant/28-septembre-1912/44/901217/2
L’intransigeant, 13 février 1913, https://www.retronews.fr/journal/l-intransigeant/13-fevrier-1913/44/901397/1
Bibliographie
ARZEL, Laurent, « La bande à Bonnot dans Gallica », 28 juillet 2014, Le Blog Gallica, URL : WINOCK Michel, « 9. Hors la loi »,URL : https://gallica.bnf.fr/blog/28072014/la-bande-bonnot-dans-gallica?mode=desktop
Berlière, Jean-Marc. “La carrière exceptionnelle d’un commissaire spécial sous la Troisième République : Célestin Hennion”, Kalifa, Dominique, et Pierre Karila-Cohen, Le commissaire de police au xixe siècle, Paris : Éditions de la Sorbonne, 2008, (pp. 173-191), URL : http://books.openedition.org/psorbonne/59362
LÓPEZ, Laurent, « La bande à Bonnot : l’assaut final à Nogent (14-15 mai 1912) », Criminocorpus [En ligne], Histoire de la police, mis en ligne le 01 janvier 2009, consulté le 02 novembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/criminocorpus/269
RENNEVILLE, Marc, « La bande à Bonnot. De l’histoire au mythe », Musée Criminocorpus publié le 10 février 2017, consulté le 3 novembre 2023. URL : https://criminocorpus.org/fr/ref/25/18022/
ROSEMONT, Franklin, DIRLIK, Arif, WOODCOCK, Georges, Anarchism, Encyclopaedia Britannica, 28 Octobre 2023, https://www.britannica.com/topic/anarchism
WINOCK Michel, « 9. Hors la loi », dans : La Belle Époque, sous la direction de WINOCK Michel, Paris, Perrin, « Tempus », 2022, p. 205-221. URL : https://www-cairn-info.ezproxy.universite-paris-saclay.fr/la-belle-epoque–9782262101282-page-205.htm
[1] Notice d’autorité “anarchisme”, Catalogue de la Bibliothèque Nationale de France
[2] ROSEMONT, Franklin, DIRLIK, Arif, WOODCOCK, Georges, Anarchism, Encyclopaedia Britannica, 28 Octobre 2023, https://www.britannica.com/topic/anarchism
[3] WINOCK Michel, « 9. Hors la loi », dans : La Belle Époque, sous la direction de WINOCK Michel, Paris, Perrin, « Tempus », 2022, p. 205-221