En 1882, une quarantaine d’ouvrières travaillent à la cartoucherie du Mont-Valérien. Elles doivent ouvrir des cartouches afin d’en récupérer la poudre. Depuis la guerre de 1870, des baraquements en bois ont en effet été installés sur la plateforme du Mont-Valérien pour décharger des cartouches du fusil chassepot, modèle de 1866 enlevé du service.
À la fin du XIXe siècle, il est habituel que les femmes travaillent dans les usines. Elles doivent subvenir aux besoins de leur famille car un seul salaire (souvent celui du père ou du mari) ne suffit pas. L’emploi des femmes est recherché par les industriels car leur salaire est nettement inférieur à celui des hommes.
Le travail dans la cartoucherie est très dangereux. Les ouvrières ont interdiction de faire entrer des objets en fer ou des allumettes. Elles doivent en outre porter des semelles en liège. Toutes ces précautions sont prises pour éviter les accidents : la poudre est hautement explosive et inflammable.
Au début de l’après-midi du 18 décembre 1882, une soudaine explosion se fait entendre. L’une des ouvrières a utilisé un outil en fer : ciseaux ou barre de fer pour s’aider dans sa tâche, faisant s’enflammer la poudre. Aussitôt, les blouses imprégnées de poudre des ouvrières s’embrasent. Le baraquement est très vite en feu. Les soldats de la caserne accourent. Les pompiers de Suresnes sont appelés pour éteindre l’incendie qui est rapidement maîtrisé.
Vingt-trois femmes et trois soldats sont transportés dans des hôpitaux parisiens (Beaujon, Necker et Gros-Caillou), certaines ouvrières sont déjà mortes.
Un journaliste attribue l’accident aux dures conditions de vie et de travail. Les ouvrières en effet travaillent aux pièces : elles sont payées au nombre de cartouches qu’elles désamorcent dans la journée. Elles gagnent environ 1,50 francs par jour. Ce bas salaire les pousse à prendre des risques et utiliser une paire de ciseaux pour aller plus vite, et donc gagner plus.
Les journaux de l’époque relatent chaque jour l’état de santé des blessées, et les décès survenus. Parmi les victimes, plusieurs ouvrières viennent de Puteaux. Sur les vingt-trois victimes, seize ouvrières décèdent, dont sept putéoliennes qui sont inhumées à Puteaux. Les funérailles ont lieu le 23 décembre 1882. Les cercueils, amenés de Paris la veille, ont été installés aux pompes-funèbres à côté de l’ancienne mairie, alors sur les quais. Après une messe dans l’église, le cortège se rend au cimetière. À la demande de l’Assistance publique, et sur une délibération du conseil municipal de Puteaux, les concessions sont gratuites pour une durée de dix ans.
Cette catastrophe qui a coûté la vie à seize ouvrières est révélatrice des conditions dans lesquelles évoluent ces femmes. Elle est le reflet de l’exploitation ouvrière, notamment des travailleuses. L’organisation en syndicats a permis par la suite aux ouvrières de toute la France de limiter ces accidents et de défendre leurs droits et leurs conditions de travail.
Image d’entête : Fortuné Louis Méaulle, gravure d’après Henri Mayer, La Catastrophe du Mont-Valérien, édition Le Journal Illustré, 1883, Paris, musée Carnavalet.
Liste des 7 victimes putéoliennes
Eugénie Leprigent, 23 ans
Adresse : 64 rue Voltaire à Puteaux / Décédée le 18 décembre 1882, inhumée à Puteaux
Marie Lejeune, épouse Larrivé, 23 ans
Adresse : 47 rue Voltaire à Puteaux / Décédée le 27 décembre 1882, inhumée à Puteaux
Esther Huteaux, 18 ans
Adresse : 1 rue Voltaire à Puteaux / Décédée le 20 décembre 1882, inhumée à Puteaux
Augustine Sédénio, épouse Carrie, 23 ans
Adresse : 29 rue Poireau à Puteaux / Décédée le 19 décembre 1882, inhumée à Puteaux
Élise Charlé, 17 ans
Adresse : 33 rue Voltaire à Puteaux / Décédée le 20 décembre 1882, inhumée à Puteaux
Angélique Cardot, veuve Grenet, 55 ans
Adresse : 12 rue Voltaire à Puteaux / Décédée le 18 décembre 1882, inhumée à Suresnes
Augustine Verger, épouse Perrier, 22 ans
Adresse : 17 rue Voltaire à Puteaux / Décédée le 20 décembre 1882, inhumée à Suresnes