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“39-45 : mémoires de guerre” – épisode 5

La Libération de Puteaux

Bonjour et bienvenue pour un cinquième épisode de la saison 2 « 39-45 : mémoires de guerre » dans laquelle nous vous faisons redécouvrir la Seconde Guerre mondiale comme vous ne l’avez jamais vu à l’occasion des 80 ans de la Libération. Plongez dans la vie de ceux qui l’ont vécu à travers leurs yeux et leurs oreilles entre 1939 et 1945. Ce dernier épisode vous fait revivre la Libération de Puteaux.

1944, cela fait maintenant 4 ans que le pays est occupé par les Allemands et la guerre n’en finit plus. Mais l’armée du Troisième Reich s’essouffle. Le 3 juin, le général de Gaulle, chef de la Résistance, proclame le gouvernement provisoire de la République française à Alger. Trois jours plus tard, l’opération Overlord est lancée par les Alliés qui débarquent en Normandie. Est-ce que la Résistance était active à Puteaux ? Comment la ville a vécu la fin de la guerre ? C’est ce que nous allons voir dans ce dernier épisode !

La Résistance

A partir de l’appel du 18 juin 1940, la Résistance voit le jour sur le territoire français. Les Français se rebellent contre l’occupant et ce, même à Puteaux ! Ces actes de résistances sont commis par des monsieur et madame tout le monde, chacun à son échelle.

 Le 25 août 1940, un attentat criminel est mis au point alors que les Allemands occupent Puteaux depuis peu. Dans la nuit, un câble est tendu dans une rue pour piéger les véhicules allemands. Une voiture est mise hors d’usage et les occupants légèrement blessés. Une action de plus grande envergure est fomentée par Gabriel Péri, député communiste, et Georges Deffry, ouvrier typographe, pour le 11 novembre 1940 en signe de patriotisme. Dans la nuit, une vingtaine d’équipes accrochent près de 2 000 drapeaux tricolores le long du boulevard Richard Wallace et de la place du marché (aujourd’hui esplanade de l’Hôtel de ville). Une flamme rouge communiste est également apposée près de la place.

Jean Nennig témoigne :

« Nous ne nous rendions pas compte, alors, qu’il serait très compliqué de se procurer suffisamment de tissus, Pour le blanc c’était facile, mais le bleu et le rouge nous compliquèrent la vie. »

dessin à l’encre de la flamme communiste découverte à l’angle de la place du Marché et de la rue Jean-Jaurès, 11 novembre 1941, 4H23, AMP.

Les policiers ne parvenant pas à l’enlever, il fallut faire appel aux pompiers qui prirent leur temps pour enlever ce symbole.

Sur le toit de la résidence Verdun, des unités de la DCA allemande étaient présentes, ainsi que des mitrailleuses et canons anti-aériens avec des projecteurs puissants qui demandaient de l’électricité et de l’eau. Ces unités avaient pour missions d’éliminer les avions alliés. Le gardien de la résidence, en cas d’alerte, se chargeait de couper par intermittence l’eau et l’électricité nécessaires aux Allemands. Oups…  

Chez Morane-Saulnier, réquisitionnée par l’occupant allemand, les ouvriers modifiaient les taux des matériaux utilisés dans les moteurs d’avions, fragilisant alors les futures réalisations. De plus, les contrôleurs cherchaient « la petite bête », retardant les montages et les livraisons du matériel. En septembre 1944, les employés construisirent un avion en faisant des heures supplémentaires non payées pour le groupe Périgord qui combattait les Nazis. De leur côté, les ouvriers de l’usine de l’Arsenal faisaient disparaître « accidentellement » des pièces. Dans l’usine Scemia, les camions étaient sabotés et la direction embauchait clandestinement des réfractaires au STO.

A la remise des prix de 1945, le directeur Delavie du collège technique de Puteaux rend hommages à ses anciens élèves morts pour la France. Parmi eux, Spartaco Fontanot fusillé au Mont Valérien avec le réseau Manouchian, Serge Blodrini résistant tué en juillet 1944 et Antoine Filipi, maquisard de la Nièvre tué le 15 juin 1944. En voici un extrait :

« Madame Fontanot, Monsieur Fontanot,

Ce sont de bien pénibles circonstances qui nous rassemblent ici, le Directeur du Collège technique de Puteaux, nous les Professeurs de vos enfants, et un certain nombre d’élèves, trop jeunes pour avoir pu participer au grand drame pour lequel vous 2 fils Néroné et Jacques, et leur cousin Spartaco ont donné leur vie, mais qui connaissent toutefois leur conduite héroïque dans la Résistance. » – 1877W7, Archives départementales des Hauts-de-Seine.

La résistance se faisait aussi dans les actes du quotidien de façon non-violente. Cela passait notamment par le vêtement. Ainsi, on pouvait manifester son patriotisme, synonyme de refus de l’Occupation, en arborant des cocardes tricolores ou en s’habillant au couleur du drapeau français. C’est ce qu’on appelle la résistance passive. Lise Lemaitre (née Lesaint) témoigne :

« Nous écoutions tant bien que mal les messages de Londres, et suivions les directives : faire circuler des tracts, fleurir la tombe du soldat inconnu, qui disparaissait sous des montées de fleurs. Nous fabriquions même des gerbes de fleurs en papiers crépon. Tout cela peut paraitre puéril, mais assez comme résistance passive pour agir sur leur moral, leur victoire déclinait déjà ! »

Des habitants portaient aussi des fleurs sur les tombes des fusillés du Mont-Valérien enterrés la nuit au cimetière ancien rue des Bas-Rogers.

La Libération de Puteaux et la région Parisienne

La fin de la guerre est annoncée par le débarquement des forces alliées en juin 1944. Ils débarquent d’abord dans le nord de l’Afrique pour remonter ensuite en Europe. Puis, le 6 juin 1944, il y a 90 ans, les armées anglaise et américaine, accompagnées de forces de résistances françaises, débarquent sur les plages de Normandie. La 2ème Division Blindée du Général Leclerc est alors désignée pour libérer Paris. Lise Lemaitre (née Lesaint) se souvient de l’attente de la population :

« Le débarquement ayant eu lieu (heureusement que les enfants n’étaient pas restés à Courseulles), nous espérions la Libération. »

Alors que la rumeur du débarquement en Normandie atteint Paris, l’insurrection gronde dès le 10 août 1944 lorsque les FTP lancent un appel au combat et à la révolte. Ce jour-là, à Puteaux, le maire Georges Barthélémy, soupçonné de collaboration, est assassiné. La région parisienne, elle, est en suspens. La vie est ralentie et les transports en commun sont suspendus à Puteaux et aux alentours. La foule se rassemble le long de l’avenue du Président Wilson à l’affut de la rumeur de l’arrivée des libérateurs. Mais ce sont les Allemands qui passent en voiture, battant en retraite, armes au poing. Traverser cette avenue devient trop dangereux.

Lise Lemaître (née Lesaint) décrit la tension grimpante :

« 16 août : bagarres un peu partout. Il est difficile de garder les gens chez eux. »

Le 18 août, le colonel Rol-Tanguy, à la tête des forces de Résistance de Paris, lance la mobilisation générale en collant une affiche dans toute la capitale. L’insurrection se propage dans la ville et l’embrase. Les bâtiments des différents pouvoirs publics sont occupés les uns après les autres : la Préfecture de Police, l’Hôtel de Ville puis le poste des communications. Paris devient un champ de bataille entre escarmouches et accalmies. A Puteaux, l’appel est entendu et les ouvriers de l’usine Morane-Saulnier qui sont en grève, accueillent les milices patriotiques pour devenir leur quartier général.

Le vendredi 19 août, le drapeau français est hissé à l’Hôtel de Ville de Puteaux. La Résistance entre en jeu et les conditions d’occupation se durcissent. Le couvre-feu est instauré à partir de 13h.

Entre le 24 août et le 25 août 1944, les combats contre l’occupant font rage un peu partout dans la capitale. Les insurgés fatiguent tandis que la population créée des barricades de rues en attendant l’arrivée des libérateurs. La 2ème DB entrent enfin dans Paris le 25 août. Elle est accompagnée par la 4ème DIUS américaine. S’ensuit de nombreux combats entre les forces Alliés et l’armée Allemande pour faire tomber les différents centres de commandements : l’Hôtel Majestic, la Kommandantur, la Chambre des députés et l’Hôtel Meurice sont repris les uns après les autres.

Le général von Choltitz, nommé à la tête du Gross Paris (« Grand Paris » environ l’IDF) se rend le 25 août et signe une convention de reddition à la préfecture de police en présence du général Leclerc.

Le 26 août, Le Général de Gaulle défile de l’arc de Triomphe à la place de la Concorde avant de rejoindre en voiture la cathédrale Notre Dame au milieu de la foule des Parisiens et des Parisiennes. Les cloches de Notre-Dame sonnent un Te Deum retentissant et le général prononce un discours sur le parvis. La scène est perturbée par une fusillade tandis que le Général chante le Magnificat, preuve que la guerre n’est pas encore finie.

Lise Lemaitre (née Lesaint) témoigne de cette ambiance :

« Et ce fut l’attente du Général de Gaulle à l’Etoile. Comme toujours, nous étions au 1er rang. Il y avait un monde fou, à croire que toute la France était là ! Nous avions emmené Mireille Germann, une grande sortie pour elle qui ne sortait jamais, mais non habituée à la foule, elle avait peur. Et nous, qui avions suivi le cortège, nous avions dû revenir, par des détours, nous n’entendions que des mitraillages, venant des toits entre collabos et Français. En résumé, une journée inoubliable. »

La Libération de la ville

A Puteaux, l’ambiance est tendue. Dès le 20 août, des barricades sont construites par la population rue de Verdun, rue des Bas-Roger à la gare de marchandises, au rond-point des Bergères et sur les pentes du Mont-Valérien. A Neuilly, des compagnies FFI bloquent les accès de la Feldkommandantur située au 76 bd Victor Hugo. Durant la nuit du 24 au 25 août, une violente fusillade éclate aux alentours de la Défense, et des barricades sont construites sur les ponts de Puteaux et Suresnes. Les Allemands de la région nord de Paris ne se sentent pas concernés par l’arrêt de reddition du général von Choltitz et résistent. Le vendredi 25 août, les Allemands arrivent à passer les barricades du pont de Bezons et de l’usine des eaux à Colombes.

Chars sur le pont de Neuilly, 1944, 4H23, AMP.

Le 25 août, le général Leclerc ordonne au colonel Rémy de « réduire soit par pourparlers soit par le feu les îlots de résistance qui existent encore. » Les Allemands convergent alors de la Porte Maillot, Nanterre et Puteaux vers le pont de Neuilly où arrivent les spahis et fusiliers marin du groupement du colonel Remy de la 2ème Division Blindée. Soutenus par les FFI et les habitants des communes, après 4 heures de combats, les Allemands se retranchent à la Feldkommandantur et à la forteresse Montebello située à côté, avant de se rendre. 600 allemands sont faits prisonniers.

Reine Denoulet sur un char, Boulevard Richard Wallace, 1944, 4H23, AMP.

Le retour à la paix n’eut pas lieu rapidement, et la guerre continua quelques temps après la Libération. Les Allemands, qui battent en retraite, continuent la guerre aérienne. Lise Lemaitre (née Lesaint) témoigne :

 « 27 août 1944 : Et tout continua, avec alertes, bombardement. Toutes habillées, nous restions dans l’entrée, avec notre miguette dans le panier. Nous ne sommes descendues à la cave que deux fois, en 1939 et la nuit de la Libération, où les Allemands déversèrent leur rage en partant. »

Il faut attendre la fin du mois d’août pour que les combats cessent tandis que les Alliés pourchassent les Allemands à l’Est. Ce n’est que le 8 mai 1945 que la guerre est enfin finie en Europe. Les Putéoliens et Putéoliennes doivent attendre les années 1950 pour un retour à la vie normale avec notamment la fin du rationnement. Ainsi, s’achève cette deuxième saison. Nous vous remercions pour votre écoute et à très vite !

Sources

4H23, AMP.

Archives départementales des Hauts-de-Seine, “La Seconde Guerre mondiale dans les Hauts-de-Seine”, archives;hauts-de-seine.fr. URL : https://archives.hauts-de-seine.fr/n/la-seconde-guerre-mondiale-dans-les-hauts-de-seine/n:296

Fondation Maréchal Leclerc de Hautecloque, “Puteaux”, voiedela2eb.fr, URL : https://www.voiedela2edb.fr/puteaux/

Témoignage de Lise Lemaitre (née Lesaint), don Blondy, AMP.

PERRIER, Jacques, La Libération dans les Hauts-de-Seine : 1944-1994, 50e anniversaire, 1994.

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